Initiatives News - Faire du neuf avec du vieux, cela semble être la tendance du nouveau président mauritanien, Mohamed Ould Cheikh El Ghazwani, dont l’élection à la tête du pays en juin dernier avait suscité d’immenses espoirs, dans un pays durement éprouvé par une décennie de gestion autocratique de son prédécesseur.
La nomination des membres du gouvernement avait fait la part belle aux hommes de l’ancien régime, ce qui semblait tout à fait compréhensible car c’était justement grâce à l’appareil d’Etat et au parti au pouvoir, l’UPR, que Mr Ghazwani a pu réussir son forcing électoral.
Ce renvoi de l’ascenseur était donc tout à fait justifiable et ce d’autant plus que le nouveau président ne s’était pas encore totalement affranchi de la gênante tutelle de son prédécesseur dont les partisans contrôlaient tous les leviers de commande de l’administration et de l’armée.
Il fallait donc faire profil bas, le temps de bien s’installer et d’assurer ses arrières.
Cela n’avait pas pris beaucoup de temps et le président Ghazwani s’est imposé comme le seul maître à bord. Cela s’est traduit par le lâchage de l’ex président Aziz dont les déboires commençaient à faire la une de la presse mais aussi par la disparition des radars du parti UPR dont les dinosaures, pour la plupart compromis par leur manque de crédibilité, font profil bas.
Parallèlement, l’ouverture vers l’opposition a porté ses fruits. Les opposants les plus irréductibles ont accepté la main tendue du nouveau président qui, jusque-là n’a pas fait bon usage de cette union sacrée inimaginable il y a encore peu.
Malheureusement, le président Ghazwani est en train de gâcher cette belle occasion pour remettre le pays sur les rails et réconcilier les mauritaniens avec eux-mêmes.
Malgré un programme très ambitieux et le tintamarre orchestré autour de certains programmes dont on attend toujours l’impact sur la vie des populations, les mauritaniens attendent toujours le changement promis.
Ce changement aura-t-il lieu ? Rien n’est moins sûr comme le craint l’opposition, toutes tendances confondues qui, dans un communiqué conjoint en date du 26 mai exige le départ de tous les symboles de la gabegie au sein de l’administration. L’opposition apporte également tout son soutien à la commission d’enquête parlementaire qui doit faire la lumière sur le pillage des biens publics durant la dernière décennie.
Notons qu’une étude récente de la Banque Mondiale paru le 18 février 2020, sous la signature de Bob Rijkers, révèle que « 182 millions $ (environ 62 milliards ouguiyas anciennes) de la valeur de l’aide étrangère, ont été détournés sous forme de transferts effectués par des responsables mauritaniens vers des centres financiers offshore connus pour leur opacité et leur gestion privée de fortune, dont 150 million $ ont été placés dans des comptes bancaires et 32 millions $ transférés dans des paradis fiscaux. »
Voilà qui devrait mettre la puce à l’oreille du président et l’inciter à écouter le conseil de l’opposition. Le mode de gouvernance est toujours le même et ce sont toujours les mêmes têtes qui pilotent le navire. De ce fait, on ne doit point se faire d’illusion, le résultat sera le même, voire pire.
Ainsi donc, une année après son accession au pouvoir, le président Ghazwani doit enfin opérer le virage à 180° tant attendu, faire table rase du passé sombre de son prédécesseur en mettant à l’écart les brebis galleuses et en mettant fin aux pratiques népotiques et mafieuses.
Ce n’est qu’à ce prix qu’il réussira à changer le cours des choses et qu’il pourrait éviter dans quatre ans de connaître le même sort peu enviable de son vieil ami.
Bakari Guèye
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