Mauritanie : la CEP recommande la confiscation de terrains acquis par des proches de l’ancien président Aziz
Saharamédias - La commission d’enquête parlementaire a proposé, dans son rapport final, la confiscation des terrains vendus aux enchères entre 2010 et 2019, y compris ceux qui faisaient partie de l’école de police et de l’office du complexe olympique, acquis de façon illégale, selon la commission, par une société appartenant à des proches de l’ancien président Mohamed O. Abdel Aziz.
La commission recommande un engagement des autorités nationales compétentes de déclarer nuls et non avenus les ventes aux enchères publiques organisées entre 2010 et 2019, dans la sphère géographique de la ville de Nouakchott.
Ces annulations concernent également toutes les attributions par lettre, arrêté ou décret intervenues en 2018 et 2019, selon le rapport de la commission auquel a accédé Sahara Medias.
Dans son long rapport la commission a évoqué les détails des violations qui ont caractérisé les opérations de vente des domaines publics au cours de la dernière décennie, de multiples violations relatives au recours aux ventes aux enchères ou encore le transfert de propriété de ces patrimoines fonciers aux bénéficiaires.
La commission estime que le recours aux ventes aux enchères était destiné à transgresser les dispositions fermes prévues par l’ordonnance 83.127 du 31 mars 2010 consacrant la réforme de l’organisation du patrimoine domanial.
Parmi les principales violations, selon la commission, le transfert direct de la propriété aux bénéficiaires des ventes aux enchères, sans que l’attribution n’ait été effectuée sur la base d’une cession provisoire, puis définitive, conformément aux dispositions de la législation foncière, ce qui est de nature à rendre illégale ces ventes.
La commission estime par ailleurs que les opérations de vente n’ont pas été soumises aux règles de requalification, un processus qui traduit, au plan juridique, un changement de propriété, depuis les biens de l’état ou ceux de la commune.
L’absence de ce processus, selon la commission, entraîne la nullité de toute cession faite, ce qui signifie que ces biens appartiennent encore à l’état.
Dans le même contexte la commission d’enquête a évoqué certains cas de complicité entre l’état et des bénéficiaires éventuels des opérations de vente de patrimoines domaniaux à Nouakchott, recommandant un engagement des autorités judiciaires compétentes dans le domaine, ce qui signifie le transfert du dossier aux juridictions ordinaires.
Dans ses recommandations, la commission propose, à propos de complicités dans les opérations de vente de certains terrains (école de police, stade olympique, etc…), des ventes qui ont bénéficié à la société SMIS SARL appartenant à une personne physique de la famille de l’ancien président.
Le rapport ajoute que la commission a demandé un engagement des autorités judiciaires compétentes afin de déterminer la relation entre les éventuels bénéficiaires des opérations de vente ou tout autre agent public, occupant ou non une fonction élective, partant de l’article 13 (trafic d’influence) et 15 (rentabilité illicite) conformément à la loi 2016.014 en date du 14 avril 2016 relative à la loi pour la lutte contre la corruption.
A propos de la vente des écoles, la commission estime que rien ne la justifiait, d’autant que la période était une période faste pour le pays et donc aucune raison économique ne militait en faveur de cette transaction.
La commission révèle que l’ancien ministre de l’éducation avait adressé des correspondances à celui des finances pour lui demander de retirer ces établissements de la carte scolaire (une partie de l’école située en face de l’hôtel Tfeila, avenue Charles De Gaule et les écoles du marché de la justice et l’école 7.
Dans sa correspondance le ministre évoquait le danger pour les élèves que constituaient les lieux où sont situées ces écoles, alors que toutes les écoles, dans la moughata de Tevragh Zeina sont situées sur des axes à grande circulation comme les écoles ciblées.
La commission s’est étonnée que le ministre de l’éducation ait ordonné à son homologue des finances d’instruire ses services afin de procéder à la vente aux enchères de ces écoles, n’ayant aucun pouvoir de donner des instructions au ministre des finances.
Interrogé par la commission d’enquête l’ancien ministre de l’éducation a dit que l’ancien premier ministre, Yahya O. Hademine l’avait appelé pour préparer une visite de ces écoles, lui avait ordonné de les retirer de la carte scolaire, d’en informer le ministre des finances, avant de lui dire que ces écoles vont être vendues aux enchères.
Pour sa part l’ancien ministre des finances, interrogé par la commission, a dit que l’ancien premier ministre lui avait donné des instructions pour entreprendre une vente aux enchères de ces écoles, l’informant que le ministre de l’éducation le contactera pour lui demander de retirer ces écoles de la carte scolaire de Tevragh Zeina.
L’ancien premier ministre quant à lui, interrogé par la commission a dit que des instructions lui avaient été données par l’ancien président de la république, Mohamed O. Abdel Aziz et qu’il n’a fait que transmettre ces instructions aux services concernés.
Le rapport révèle que les opérations de ventes aux enchères des écoles se sont déroulées en quatre séances à l’hôtel « MAURICENTER » le 15 octobre 2015, le 3 mars 2016 et 14 juillet 2017.
Et toujours dans ce dossier foncier, la commission a évoqué la partie soustraite de l’école de police à Tevragh Zeina, en face de l’avenue Mokhtar O. Daddah, estimant que la vente aux enchères a été informelle, ajoutant que le prix minimum a été fixé à 100.000 anciennes ouguiyas et l’enchère 5 millions d’anciennes ouguiyas.
Le constat qui s’impose ici, selon la commission que les prix de cession sont conformes théoriquement (entre 35 et 32 millions d’anciennes ouguiyas), des montants très proches du prix référence initialement déterminé.
La commission estime, dans son rapport, que l’opération de vente aux enchères aurait été organisée au plus haut niveau de l’état et les bénéficiaires probablement connus d’avance.
Après analyse des toutes ces ventes, la commission précise que les dispositions avaient été les mêmes pour la grande majorité des terrains avec le même homme d’affaires qui n’est autre que le neveu de l’ancien président qui a acquis les deux lots 14 et 15 et c’est encore lui qui a négocié, au nom de l’ancien président, avec la SOMELEC pour le rétablissement de l’électricité dans ses domiciles et ses usines quand ils avaient été déconnectés du réseau électrique pour fraude.
La commission a également découvert que parmi 15 lots, 7 ont été attribués à SM SERMA qui s’avèrera, après consultation des services des impôts, propriété d’Ahmed O. Abdel Aziz naguère bras droit de l’ancien président.
Comme pour les autres ventes aux enchères, tous les responsables interrogés ont affirmé que c’est l’ancien président lui-même qui fixait les règles des ventes aux enchères et qui les supervisait directement.
Dans son rapport la commission évoque des ventes simulées avant que les ventes réelles ne soient faites aux proches de l’ancien président à des prix symboliques y compris l’école de police, l’escadron d’escortes et le stade olympique.
S’agissant du stade olympique, l’ancien directeur général des domaines, a déclaré que c’était l’ancien président lui-même qui supervisait le lotissement et avait demandé que lui soit réservé le lot N°1.
Selon le rapport de la commission, citant l’ancien premier ministre et le ministre des finances de l’époque, c’est l’ancien président lui-même qui leur a ordonné d’effectuer la vente aux enchères.
La commission s’est aperçue que les premières ventes étaient simulées à des personnes pour un montant de 32 millions, mais la transaction sera faire par la suite à des proches de l’ancien président à des prix symboliques (pas plus de 6 millions).
S’agissant toujours du complexe olympique les données déterminent son appartenance au domaine communal et donc toute opération de vente avant de l’en exclure est illégale.
La commission ajoute qu’il n’y a pas eu de ventes aux enchères car 90% des lots ont été cédés à des prix très proches du « prix plancher ».
Elle n’exclue pas qu’il y ait eu connivence entre les prête-noms et l’ancien président et a recommandé que le dossier soit transmis à la justice pour approfondir l’enquête.
Commentaires
Enregistrer un commentaire