L'Eveil Hebdo - Comme il fallait s’y attendre l’ancien président Mohamed O. Abdel Aziz a refusé de signer les procès-verbaux de ses auditions effectuées par la Police chargée des crimes économiques.
Convoqué le jeudi dernier pour la signature de ces procès-verbaux, O. Abdel Aziz a refusé de s’exécuter faisant prévaloir, comme lors des fois précédentes, une immunité que lui conférerait la constitution affirmant qu’il ne pouvait être jugé que par la Haute Cour de Justice. Il faut au moins reconnaitre à l’ancien président qu’il a la suite dans ces idées et qu’il est allé jusqu’au bout de sa logique.
En effet, à chaque fois qu’il avait été convoqué par la police O. Abdel Aziz s’est abstenu de répondre aux questions des enquêteurs réaffirmant à chaque occasion que cette procédure était illégale. Une position soutenue par son équipe de défense qui ajoute que cette enquête revêtait un caractère politique destiné à ternir son image d’ancien Président de la République.
Avec ce refus, on peut donc estimer que Mohamed Ould Abdel Aziz est resté fidèle à sa ligne de défense, en allant au bout de sa logique. Le Pouvoir en fera-t-il de même de son côté et poursuivre la procédure jusqu’au jugement de l’ancien Président ? Là est toute la question.
Aziz et l’interprétation tendancieuse de l’Article 93 de la Constitution
La direction chargée des crimes et financiers avait entamé mercredi dernier la convocation des personnes citées dans l’enquête relative à la décennie du pouvoir de l’ancien président Aziz afin de signer les procès-verbaux de leurs auditions lors de l’enquête préliminaire avant de les transmettre au parquet général.
C’est la première fois dans l’histoire de la Mauritanie qu’un ancien président est l’objet d’une enquête policière. Ould Abdel Aziz avait réaffirmé à plusieurs reprises que les mesures entreprises contre lui et certains de ses proches étaient des règlements de compte après qu’il ait tenté de faire la politique à travers le parti Union Pour la République à la fin de l’année dernière.
Il affirme surtout que s’il devait être poursuivi, il ne peut être jugé que par une Haute Cour de Justice, conformément à l’Article 93 de la Constitution qui stipule que « Le Président de la République n’est responsable des actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions qu’en cas de haute trahison.
Il ne peut être mis en accusation que par les deux Assemblées statuant par un vote identique au scrutin public et à la majorité absolue des membres les composant ; il est jugé par la Haute Cour de Justice » !
Pourtant, si l’on en croit plusieurs constitutionnalistes, Aziz et ses avocats n’ont rien compris – ou fon semblant - . En effet, la Haute Cour de Justice ne juge que les Chefs d’Etat en plein exercice de leur fonction, en cas de Haute trahison. Pour toutes les autres éventuelles fautes commises, on attend généralement la fin du mandat pour entamer des poursuites.
Une enquête qui a trainé en longueur
Pour rappel, Le rapport de la Commission d’enquête parlementaire chargée de passer au crible la gestion de Mohamed Ould Abdelaziz durant ses deux mandats avait été remis le 26 juillet au président de l’Assemblée nationale qui avait décidé alors de saisir la justice pénale.
C’est alors que la Police chargée des crimes économiques est entrée en jeu. Après avoir convoqué et auditionné plusieurs personnalités (anciens premiers ministres, ministres, directeurs…) citées dans le dossier de l’enquête, la Police a fini par appeler l’ancien Président qui a été gardé à vue une semaine durant !
Au terme de cette première phase, au cours de laquelle Mohamed Ould Abdel Aziz a systématiquement refusé de coopérer avec les enquêteurs et de répondre à leurs questions, il fut place de facto « sous contrôle judiciaire », dans la mesure où son passeport a été confisqué et on lui a interdit de quitter la ville de Nouakchott.
Dès lors ce fut d’interminables va-et-vient de l’ancien Président entre son domicile et les locaux de la Police, sans qu’on ait l’impression que les choses avançaient.
Ce qui a eu pour conséquences d’instiller le doute dans l’opinion publique qui se demandait est-ce que les autorités avaient réellement l’intention d’aller jusqu’au bout du processus.
Des doutes et des interrogations
Des interrogations rendues légitimes non seulement par la lenteur de la procédure, mais aussi par des faits difficilement décryptables par le commun des mortels.
En effet, au plus fort de la tension entre les deux parties, l’un des plus fidèles soutiens de Mohamed Ould Abdel Aziz, en l’occurrence son ancien Directeur de Cabinet et ex-ministre des Affaires Etrangères, Isselkou Ould Izidbih, a été reçu par le Président de la République, à la stupéfaction générale.
Si rien n’a filtré sur cette rencontre, beaucoup d’observateurs ont cru y déceler le résultat de négociations entamées en coulisses. Toujours est-il que depuis cette audience, M. Izidbih, même s’il fait des sorties de temps en temps pour soutenir du bout des lèvres son ami, est devenu beaucoup moins loquace et surtout moins virulent sur le sujet.
Autre fait marquant, la démission de l’un des avocats de l’ancien Président, Me Taquiyoullah Ould Eide, qui est intervenue quelques jours avant la relance du dossier.
Ce qui peut paraitre troublant, c’est que la gestion du dossier donne l’impression qu’on marque des sortes de « pauses » dans le processus pour donner la chance à d’éventuelles négociations en coulisses dès qu’il y a blocage, on relance la machine.
Maintenant que le dossier de l’enquête de la Police des crimes économiques semble bouclé avec la signature – ou pas – des PV, on peut espérer que le Pouvoir irait au bout de sa logique, comme l’a fait Mohamed Ould Abdel Aziz.
Sikhousso
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