23-06-2022 13:43 - Aziz renvoyé devant un tribunal : l'étau se resserre autour de l'ancien président
(Eveil Hebdo) - Qui l’eût cru ? L’homme qui « n’est pas né pour perdre » - selon ses propres termes – va se retrouver devant un tribunal pour répondre, entre autres, de faits de « corruption et de détournement de deniers publics ».
Même les plus optimistes ne croyaient pas un instant que le processus, enclenché quelques mois seulement après son départ du pouvoir, allait aboutir au vu des nombreux rebondissements et de la « lenteur » de la procédure. Mais comme on dit souvent, le temps de la justice n’est pas le même que le temps de la presse.
En tout état de cause, s’il pouvait persister encore quelques doutes, on peut aujourd’hui affirmer que le point de non retour est bel et bien atteint entre « les amis de 40 ans », Mohamed Ould Abdel Aziz et Mohamed Ould El Ghazouani !
Des amis de 40 ans
Les deux généraux, tous deux âgés de 64 ans, sont des amis de quarante ans, depuis qu’ils ont, ensemble, fait leurs classes à l’académie royale militaire de Meknès au Maroc. Mohammed Ould Ghazouani a été un fidèle compagnon de route de Mohamed Ould Abdel Aziz.
Il était à ses côtés lors des coups d’État de 2005, qui destitua le président Taya, et celui de 2008, qui renversa le Président Sidi et permit à Aziz de s’installer à la tête d’un haut conseil d’État, avant d’être élu Président l’année suivante. Mohammed Ould Ghazouani sera pendant dix ans chef d’état-major de l’armée, avant de devenir ministre de la défense lors de la dernière année du deuxième mandat Aziz.
Les deux hommes ne se sont jamais séparés. C’est pourquoi d’ailleurs du côté des partisans de Aziz, on estime que « Ghazouani, l’un des plus proches d’Aziz, a aussi profité du système de corruption ». Selon eux, cette inculpation pour faits de corruption cache autre chose.
En effet, pendant des mois, il y a eu beaucoup de négociations avec l’entourage d’Aziz pour trouver une solution et refermer ce dossier. Celles-ci portaient sur des questions de sécurité. Elles ont d’évidence échoué.
Le vent a rapidement tourné entre le mentor et son dauphin
L’enquête judiciaire a été ouverte en août 2020, après qu’une commission d’enquête parlementaire a remis ses conclusions sur les attributions de marchés publics, la vente de foncier public et la gestion de secteurs clés de l’économie, sous l’ère Aziz.
Le parquet a annoncé avoir identifié, gelé ou saisi, rien qu’en Mauritanie, des biens immobiliers, des sociétés, des parcs de véhicules et des sommes d’argent pour un montant évalué à 96 millions d’euros, dont 67 millions revenant à l’un des suspects et 21 millions à son gendre, sans mentionner explicitement l’ex-président Aziz et son gendre, l’homme d’affaires Mohamed M’Sabou.
Le vent a rapidement tourné entre le président Mohammed Ould Ghazouani, élu en juin 2019, et son prédécesseur Mohamed Ould Abdel Aziz, alors même qu’il était le dauphin désigné que chacun imaginait durablement sous la coupe de son mentor.
Aziz va-t-il « tout déballer » ?
Alors que durant toute la période de l’enquête préliminaire, l’ex-président s’était réfugié derrière son « immunité » pour refuser de répondre aux questions des enquêteurs, mettra-t-il à profit son procès pour régler des comptes et déballer des choses qui pourraient faire « mal » ?
Son avocat avait en tout cas menacé : « Si la supercherie actuelle continue, je suis sûr que mon client brisera le silence, malgré son attachement à la Constitution et à son article 93, qui le mettent à l’abri de toute action judiciaire devant les tribunaux ordinaires. Je suis sûr également que s’il parle, ses propos feront du remue-ménage dans le pays et auront pour conséquences de changer beaucoup de choses", avait-t-il ajouté, sans préciser la nature des révélations qu’il pourrait faire ni à qui elles pourraient nuire.
Cependant certains observateurs s’interrogent sur cette supposée « capacité de nuisance » de l’ancien Président. En effet, si Aziz pouvait utiliser cette « arme de dissuasion » pourquoi, demandent-ils, ne l’aurait-t-il pas fait savoir à ses adversaires – même discrètement – pour tenter d’arrêter les humiliations qu’on leur a fait subir lui et ses proches ? D’autres estiment que, de toutes les manières, si le pouvoir craignait cette perspective il aura déjà pris des mesures pour pallier à toute éventualité.
Quoi qu’il soit, l’ancien général putschiste et Président de la Mauritanie de 2009 à 2019 a été renvoyé devant un tribunal en vue d’un procès, entre autres, pour « octroi d’avantages indus dans des marchés publics, trafic d’influence, abus de fonctions, enrichissement illicite, recel de produit du crime, entrave à la justice, blanchiment d’argent ».
Tout le monde attend maintenant de savoir quand est-ce qu’aura lieu le procès et dans quelles conditions.
Sikhousso
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