06-11-2022 20:16 - Carnet de voyage : Mon voyage à Loboudou, le coin d’un paradis caché !

 

Carnet de voyage : Mon voyage à Loboudou, le coin d’un paradis caché !

NGam Seydou - J’étais à Loboudou, le berceau de l’éducateur hors pair Djibril Hamet Ly (Paix à son âme). Loboudou, le coin d’un paradis caché, à cheval entre le fleuve et son affluent Diou.

Nous quittons Nouakchott, le dernier lundi du mois de septembre à bord d’un minibus de transport, appelé curieusement « Maritioye », je n’en sais pas, plus que vous, les raisons du sobriquet. Le ciel chargé de nuages et le paysage dunaire couvert d’un épais tapis vert. À l’approche de Wadnaga, le ciel change de visage et nous arrose d’une forte averse.

Le chauffeur expérimenté et familier de l’axe de la route de l’espoir, met en marche ses essuies glace, pour glisser paisible sur l’asphalte du bitume avec ses nids de poule. La route est plus au moins bonne entre Nouakchott et Boutilimit.

Le calvaire chaotique c’est entre Boutilimit et Aleg, où l’axe est entrecoupé de tranche de chantiers inachevés.

Par endroit, les déviations sont devenues bourbiers, et les petites voitures sont clouées au sol, notre chauffeur acrobate réussis tant bien que mal à slalomer entre les flac d’eau, suivant son instinct au gré d’une visibilité approximative.

La pluie nous accompagne par intermittence, et la prudence reste de mise car les chameaux, les vaches, les moutons, les chevaux et les ânes, traversent la route, souvent par surprise.

Au sortir de Boutilimit, notre chauffeur se prépare à traverser le nomasland du parcours de combattant, l’éternel chantier d’une route interminable. Une route commencée voilà trois ans, qui jusqu’ici, n’arrive pas à sortir du bout du tunnel. Une équation à plusieurs variantes et qui mérite une réponse urgente au sommet de l’Etat. Bref et j’en passe, car ce qui m’intéresse, c’est la découverte du paradis caché coincé au milieu de nulle part, comme l’énigme foutanquais qui dit « Sa dogui ndiwta, sa yari cessé a yetotako ». Bel énigme au sens profond, oui Loboudou est ce coin de paradis caché, quand tu cours à fond, tu risques de le dépasser et quand tu pars doucement, tu ne l’attendras jamais.

Après six heures de temps d’une marche forcée au rythme d’infernales secousses, nous quittons le poste de la gendarmerie d’Achorguitt, pour faire face à la clairière du lac débordant d’Aleg. Le généreux ciel continue de donner la douche pluvieuse au sol boueux. Les pistes de déviation sont remplies d’eau et les petites voitures frôlent la noyade au bord de la route. Les gros camions et les bus sont devenus les seuls maitres à bord, pour traverser une route impraticable. Les pauvres passagers des véhicules à petites gabarit, sont devenus des prisonniers au fond de l’habitacle, pour échapper à une pluie insistante.

Il est quinze heures sur l’horloge du tableau de bord de notre voiture, le carrefour d’Aleg pointe à l’horizon, la pluie s’est arrêtée, on peut respirer l’air pur sentant l’odeur du parfum hivernal. Après la pluie c’est le beau temps, les habitants riverains de l’Axe Aleg-Boghé, peuvent sortir en famille et sous les arbres, pour savourer le tajine de viande, arroser du lait de vache ou de chamelle.

Cette année, le pays a eu une grande quantité de pluie, avec des dégâts collatéraux dus aux inondations dans certaines localités. Espérons que le bonheur de la pluie nous fasse oublier le malheur des intempéries.

Nous voici en droite ligne pour Boghé, il est seize heures, l’ami Bocar peut prendre le relais, avant de rallier Loboudou le lendemain matin.

À Boghé la nuit fut courte et joyeuse sous la chaleur fraternelle et amicale, avec la bénédiction et la tendresse maternelle de la mère de notre ami.

Le mardi 27 septembre, c’est le jour tant attendu, le rendez-vous de Loboudou retenti sur la pendule du temps, mon ami passe en revue l’état de santé de sa voiture, qui nous fera découvrir le coin du paradis caché. Au téléphone, le maitre des lieux, nous rassure que la route est praticable jusqu’à Loboudou, en dépit de quelques nids de poule, qui ont besoin d’une opération chirurgicale d’entretien et de réfection.

Avec le guide de marque Aboubacry Hamet Ly, notre hôte à Loboudou, nous sommes rassurés et entre les bonnes mains, pour découvrir pour la première fois le paysage panoramique entre Boghé et Loboudou via Darel Barka.

Arrivés à la hauteur du carrefour Boghé, nous bifurquons à gauche et mettons cape sur l’axe Boghé-Rosso. L’ami Bocar au volant et l’hôte Aboubecry sous le manteau de l’historien-géographe, pour nous présenter les facettes de son terroir en tant que guide attitré. Le défilé des villages peut commencer sur le chapelet du temps, dans l’aire de l’espace.

Thialgou – Sayé – Douboungué – Mbogne Diery - Afniya - Hamdallaye –Bowdé – Sinthiane – Darousalam – Mayemaye et Darelbarka. Nous y sommes, Darelbarka chef-lieu d’arrondissement et capitale communale, rendue célèbre pour la qualité et la densité de ses enfants intellectuels et cadres, qui se sont illustrés au-delà de nos frontières. Comme on le dit souvent dans le jargon foutanquais, le nom de Darel est plus populaire que le contenu de son site, malheureusement en retard suivant la valeur et le poids d’un chef-lieu d’arrondissement.

Nous quittons le bitume de Darel Barka, pour négocier le virage de Wouro Aly, avant de retrouver la face cachée du coin d’un paradis perdu, appelé LOBOUDOU.

Loboudou, comme son nom l’indique, c’est un coin coincé entre le fleuve du Sénégal et son affluent Diou. Nous traversons Salaayel, entendez le pont en poular, pour comprendre l’attachement et la fidélité des habitants de Loboudou à leur terroir et à la phonétique de leur langue, à l’image de l’un de ses illustres fils (Djibril Hamet Ly), qui a tout donné à sa communauté et à son pays, pour inscrire la légende de son bout de terre natal sur les pages jaunes de l’histoire. Loboudou est le berceau de ce grand éducateur, poète et écrivain, qui nous a quittés voilà cinq ans, alors qu’il était sur le champ de bataille socioculturel au Canada.

Oui Laboudou, est bien là. Ayant vécu et survécu à l’usure du temps, ce village millénaire est situé au Sud de la Mauritanie dans la Wilaya de Brakna. Longtemps affecté par la déforestation, et menacé par l’avancée du désert, ses habitants ont eu l’intelligence et le courage d’initier des projets de restauration des espèces locales comme l’acacia nilotica, le jujubier et d’autres espèces en voie de disparition. Cette vision dont les germes remontent sur les fonts baptismaux des années 1998, a fini par porter ses fruits, avec le résultat positif d’une forêt classée, où le phone et la flore ont fini par se réconcilier, pour orner le paysage paradisiaque de Loboudou.

Une journée à Loboudou, parait très peu pour s’imprégner des Us et coutumes du village et ses habitants intimement attaché aux valeurs ancestrales. Néanmoins, une journée est tout de même suffisante, pour être les témoins de l’histoire. Nous avons bien vus une régénération naturelle de la forêt, avec en prime le retour et la reparution des animaux sauvages et des espèces rares d’oiseaux, sans oublier le vivier aquatique des poissons, faisant ainsi le bonheur des habitants, toutes couches confondues (Eleveurs, Agriculteurs et Pécheurs), qui finalement ont appris à se côtoyer, partager, échanger et vivre ensemble dans une parfaite symbiose.

Durant cette belle et mémorable journée, nous avons eu l’honneur de visiter le village au pas de charge, sous la conduite de notre hôte et honorable guide, Aboubecry Hamet Ly, éducateur comme son défunt grand frère Djibril Hamet Ly, tel frère, tels repère serait-on tenté de dire. Aujourd’hui à la retraite il a décidé de consacrer le reste de sa vie au bout de terre qui l’a vu naitre et grandir. De facto, il a repris le flambeau, dans l’esprit du donner et du recevoir, pour inscrire son coin sacré autant secret, dans le concept de l’éco-village. Voilà une belle idée novatrice et unique en son genre dans le milieu foutanquais, pour accueillir avec gaité du cœur et à bras ouvert les potentiels visiteurs, dans le sillage d’un écotourisme responsable et équitable.

Nous avons visité la forêt classée de 18 ha, où singes, lapins, perdrix, hyènes et autres bêtes sauvage de l’ancienne époque, sont en liberté, pour vivre pleinement leur mue. Après la forêt classée, nous sommes passés par l’école du village, ensuite nous avons eu droit au pèlerinage culturel de certains sites historiques, comme la maison du défunt patriarche Mame Ly, qui est en cours de restauration en tant que patrimoine du village. Une belle vielle bâtisse en banco, qui fut la première à être construite dans le village, vers les années 1940.

Il est 13 heures 30, nous avons droit à une pause déjeuner et prière, sous le hangar traditionnel au cœur du village, avec ses chambres d’hôtes pour accueillir les heureux visiteurs. Comme quoi, les habitants de Loboudou sont en avance sur leur époque, pour réconcilier le passé et le présent, avec un regard écologique tourné vers le futur. Durant la pause, nos amis Ly et Sarr l’assistant technique de la SONADER dédié au village, nous ont expliqués les tenants et les aboutissants de la dynamique du développement durable du terroir de Loboudou, comme condition sine quoi none, pour une autosuffisance alimentaire respectueuse de l’environnement. C’est pourquoi suivant l’agenda de cette dynamique, l’Association de Développement Communautaire du village, vient de rejoindre le Réseau Régional des Eco-villages, après une longue et fraternelle collaboration avec le Réseau des Eco-villages du Sénégal.

Il est 16 H 30, quand nous reprenons le bâton du pèlerin, pour visiter le volet agricole et aquaculture de l’Association Communautaire du village. Des arbres fruitiers (Banane – Citron – Orange), se mêlent aux cultures vivrières comme le maïs, le mil et le maraicher avec beaucoup de variété de légumes. Sur place, nous avons trouvé un groupe de jeunes élèves et étudiants vacanciers du village, pour joindre l’utile à l’agréable. Parmi ces jeunes, ce qui nous a le plus marqué c’est le jeune Ly, un étudiant en 6ème année de médecine, qui loin des labos universitaires, a choisi de mettre la main dans la pâte pour une immersion totale dans le labo à ciel ouvert des valeurs ancestrales de ses racines foutanquaises.

Il est 18 H 30, nous quittons Loboudou, le cœur conquis, et le regard rayonnant, ce qui est sûr, je reviendrai avec plus de temps et de recul, pour savoir comment les habitants de Loboudou ont choisi le travail et la détermination pour changer leur vie, en se prenant totalement en charge, avec en prime dans le respect et la préservation de l’environnement. Là encore, j’invite mes compatriotes à essayer le tourisme interne, et le retour aux sources, où les enfants du Nord iront au Sud, les enfants de l’Est à l’Ouest, vice versa. Quel bonheur, si nous nous rendons compte de l’immense richesse, qui se trouve entre nos mains et surtout des opportunités qui peuvent en découler.

Ne soyons pas, comme disait un certain René Dumont dans son livre l’Afrique Etranglée : « Les africains sont des pauvres, couchés sur un tas d’Or …. »

Du fond du cœur, je dis merci à mes hôtes de Loboudou, je suis déjà nostalgique. Mais c’est promu car je reviendrai.

NGam Seydou,

De passage à Loboudou, (Septembre 2022)














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